jeudi 5 mai 2016

«Les Syriens n’abandonneront pas leurs objectifs» - par les Comités locaux de Coordination


Une fois de plus, les forces d’Assad renouvellent leurs attaques brutales et destructrices contre la ville d’Alep. Avec plus de 120 épisodes enregistrés impliquant l’utilisation de missiles et de barils d’explosifs, ces attaques répètent les scènes horribles de morts, de destruction et de génocide L’attaque contre Alep a engendré, depuis samedi [23 avril] jusqu’à la publication de cette déclaration, 170 martyres, y compris 36 enfants, 5 membres de la défense civile (les casques blancs), une infirmière et sa famille ainsi que deux médecins dont l’un d’entre eux était le dernier pédiatre présent à Alep. Si les attaques ne cessent pas, la liste des morts s’accroîtra.


Les Comités locaux de coordination en Syrie considèrent que cette attaque furieuse se produit dans le contexte d’une mise sous pression accrue du peuple syrien et des forces révolutionnaires dans le but de les faire abandonner les revendications politiques clés qui ont été exposées par le Haut Comité des négociations (HCN) lors du récent tour de négociations qui s’est tenu à Genève.

En même temps que la délégation du régime s’asseyait à la table des négociations, le régime renforçait la présence de ses troupes autour de la ville d’Alep, tirant avantage des déclarations ambiguës des représentants américains quant à la présence du Front Al-Nosra à Alep, offrant ainsi au régime Assad et à ses alliés un feu vert ainsi qu’une justification pour lancer cette agression, menée sous le couvert d’un combat contre le terrorisme.

Les Comités locaux de coordination en Syrie souhaitent affirmer leurs doutes profonds contre certains qui se qualifient «d’amis du peuple syrien» [allusion à la Conférence internationale des amis du peuple syrien qui compte nombre de pays, y compris l’UE] en raison de leur silence douteux devant ces scènes choquantes et horribles ainsi que leur retard dans leurs prises de position, lesquels ne peuvent faire revenir à la vie ceux qui ont été tués et ceux qui le seront.

Ce génocide systématique en Syrie bénéficie à personne d’autre mieux qu’à Bachar el-Assad ainsi qu’aux forces extrémistes et terroristes qui grandissent jour après jour comme conséquence de la faiblesse manifestée par la communauté internationale envers les crimes de guerre qui ne cessent d’être commis en Syrie.

Peu importe l’étendue du soutien que les crimes d’Assad peuvent recevoir, les Syriens n’abandonneront pas les objectifs de leur révolution en vue d’obtenir la liberté, la dignité et la justice.

Que notre révolution soit victorieuse, que nos martyrs reçoivent la miséricorde, que nos blessés soient soignés et que nos détenus soient libérés. 

Les Comités locaux de coordination, 28 avril 2016
(traduction de l’anglais par A L’Encontre)

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«Il n’y aura bientôt plus du tout de personnel médical à Alep»

Lettre ouverte de médecins d’Alep

«Nous sommes les médecins d’Alep. En première ligne de la guerre qui y fait rage, nous étions pour le moins sceptiques quant à la cessation des hostilités négociée en février 2016. Nous avons pourtant constaté une certaine diminution des attaques contre nos hôpitaux, lorsque la trêve entra en vigueur. Nous avons osé espérer. Cette semaine, nous avons alors vu nos pires craintes se réaliser dans les circonstances les plus horribles qui soient. Notre ville est à feu et à sang.


Mercredi 27 avril, des avions de combat syriens ou russes ont bombardé l’hôpital Al Qods dans l’est de la ville d’Alep. L’attaque a tué plus de 50 personnes et blessé plus de 60 autres. Nos amis les Casques blancs [organisation humanitaire syrienne] continuent d’extraire les corps ensevelis sous les décombres. Parmi les personnes tuées dans l’attaque se trouvait notre ami et collègue, le docteur Muhammad Wassim Maaz. Il était le dernier pédiatre d’Alep.
Nous nous souviendrons toujours de l’extrême gentillesse et courage du Dr Maaz, dont le dévouement au service des plus jeunes victimes de la guerre était sans égal. Cette attaque prive Alep-Est de l’un des meilleurs pédiatres restés en Syrie. Encore un rappel sanglant que ceux qui attaquent Alep n’ont aucun respect pour le caractère sacré de la vie ou pour l’humanité.

Les humanitaires visés

Le docteur Mohammed Ahmad, un autre de nos amis et l’un des dix dentistes restant à Alep-Est, a également été tué dans le raid aérien. Son nom s’ajoute à celui du Dr Maaz, et d’au moins 730 de nos collègues, d’autres médecins, qui ont été tués dans notre pays au cours des cinq dernières années. Nos collègues héroïques des Casques blancs ont eux aussi subi de lourdes pertes pour avoir risqué leur vie afin d’en sauver d’autres. Un jour seulement avant que le Dr Ahmad et le Dr Maaz ne soient tués, le centre de formation Al-Alareb des Casques blancs a été frappé par de multiples missiles sol-sol, tuant cinq de leurs bénévoles: Ahmad Abdullah, Khaled Bachar, Ahmad Mahmoud, Hamda Haj Ibrahim et Hussain Ismail.


Il n’y aura bientôt plus du tout de personnel médical à Alep. Qui sauvera alors la vie des civils? Qui leur prodiguera alors les soins nécessaires? Cette semaine, en seulement deux jours, près de quatre personnes ont été tuées à chaque heure de la journée, et plus de cinquante blessées pendant le même temps. Nos hôpitaux sont au point de rupture. La cessation des hostilités a échoué et nous en ressentons les effets au plus profond de nous-mêmes.

En février, la Russie et les Etats-Unis ont annoncé leur ferme engagement d’établir et faire durer la cessation des hostilités. Aujourd’hui, ils ne sont pas à la hauteur de leurs engagements et ce sont les femmes, les enfants et les personnes âgées d’Alep qui paient le prix fort de leur échec. Si la trêve n’est pas une solution durable à la crise, la renforcer permettra d’empêcher que ne se reproduisent des massacres tels que l’attaque de l’hôpital Al-Qods, et de prévenir un siège total d’Alep. En cas de siège total, Alep risquerait de connaître un sort semblable à celui de Srebrenica.

La Russie dit être sincère au sujet de la paix en Syrie. Elle doit maintenant honorer ses obligations en s’assurant de la fin des frappes aériennes contre Alep, ainsi que de la mise en place d’une trêve qui soit respectée par toutes les parties. La priorité est que la Russie et la communauté internationale exercent d’urgence leur influence pour que cesse l’assaut contre Alep. Il ne s’agit pourtant là que d’une première étape nécessaire. Pour les professionnels de santé, chaque jour est une lutte afin d’obtenir le matériel et les médicaments dont nous avons cruellement besoin pour soigner les blessés et venir en aide aux mourants. L’approvisionnement par la route de Castello, dernier point d’entrée de l’aide humanitaire à Alep-Est, est menacé depuis des mois et ne tient aujourd’hui plus qu’à un fil. Les Etats-Unis aussi doivent user de leur influence pour s’assurer que cette voie cruciale d’approvisionnement ne soit plus menacée.

En tant que têtes de file du Groupe international de soutien à la Syrie, les présidents Vladimir Poutine et Barack Obama sont garants du sort des civils en Syrie. Ils ont le pouvoir et la responsabilité de les protéger. Nous espérons et prions pour qu’ils l’utilisent pour le bien de la Syrie, d’Alep, de nos patients et le nôtre.

Signataires

Dr Hatem, directeur de l’hôpital pédiatrique d’Alep; Dr Abu Altiem, hôpital pédiatrique d’Alep; Dr Yahya, hôpital pédiatrique d’Alep; Dr Abu Albrae, hôpital pédiatrique d’Alep; Dr Khaled, néphrologue à l’hôpital Al-Qods d’Alep; Dr Salah Safadi, Association des docteurs indépendants.

source : http://alencontre.org/moyenorient/syrie/syrie-alep-declaration-des-comites-locaux-de-coordination-en-syrie-lettre-des-medecins-dalep.html