Paris le 23 juin 2025,
A l’attention des Parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat
Interpellation au sujet des prisonniers Kanak déportés de la prison du Camp Est (Nouméa) vers la France.
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Nous nous permettons de vous interpeler ce jour concernant la situation des prisonniers Kanak de la prison du Camp Est à Nouméa qui ont été déportés dans la plus grande opacité en France depuis mai 2024, mais aussi avant. Nous suivons la situation de plus d’une soixantaine d’entre eux répartis sur une quarantaine de prisons en France, et pour certains qui ont commencé à être libérés en fin de peine et se retrouvent totalement démunis sans pouvoir renter dans leur pays.
En effet en parallèle de la déportation sur le territoire français de 7 militant.e.s de la CCAT, le 22 juin 2024, (pour les quels nous nous réjouissons de leur libération récente), plusieurs vagues de déportations forcées de prisonniers du Camp Est (déjà condamnés pour la grande majorité) vers des prisons en France ont eu lieu également et ce dans la plus grande opacité de la part de l’État français.
Un groupe de travail a été mis en place par notre collectif,
Solidarité Kanaky, dès juillet 2024 et a fait un travail de recherche,
de recensement et d’aide à ces prisonniers, et de mise en lien ici avec
une équipe d’avocats que nous avons constitué pour le suivi de leur
situation.
Après 10 mois de travail, nous avons publié un rapport le 12 mai 2025,
avec des éléments chiffrés et précis à notre disposition sur ces
déportations. (cf. en pj).
Ces détenus Kanak, quelque soit leur dossier, sont victimes de la répression coloniale.
En effet leur situation est particulièrement préoccupante, et pour ces
raisons nous nous permettons de vous contacter pour vous alerter mais
surtout pour vous demander un soutien urgent, et d’appuyer nos
revendications, afin de permettre que la situation puisse évoluer, dans
le respect des droits fondamentaux et du droit international.
Ces déportations représentent plusieurs violations du droit avec des conséquences graves à différents niveaux :
- Kanaky-Nouvelle Calédonie : un territoire non autonome vis à vis du droit international
La Kanaky - Nouvelle Calédonie est un territoire séparé et distinct de
la France, les détenus ont donc été déportés dans un autre pays que le
leur : c’est un franchissement forcé d’une frontière internationale et
ce, vers un territoire de l’espace de l’Union Européenne, en violation
du droit international.
La détention à plus de 17000km de leur famille, est une violation du droit à leur vie privée et familiale, et ce sur le sol français et européen.
Les conditions de déportation ont été inhumaines, menottés pendant plus de 20h et sans intimité pour aller aux toilettes.
- L’argument des conditions indignes/surpopulation au Camp Est, de formation en France ou de Centre National d’Évaluation
Il est souvent avancé que c’est en raison de la surpopulation que les
déportations ont été organisées par l’État français. La France, qui est
puissance administrante du territoire, doit trouver une solution sur
le territoire, sans violer le droit international en réalisant des
déportations. Ceci concerne aussi les conditions indignes de détention
au Camp Est, et les formations qui y sont quasi inexistantes. L’argument
des mesures d’ordre de sécurité, n’est pas valable non plus pour
déporter.
De même pour le Centre National d’Evalutation : il n’y a aucun CNE sur
le territoire de KNC, alors qu’il devrait en exister un.
L’État français en tant que puissance administrante garde les
compétences régaliennes selon l’Accord de Nouméa, sur le territoire non
autonome, qui est distinct et séparé de la France.
Mais les ressortissants du territoire non autonome n’ont pas à être déportés hors de leur pays.
- Le respect du droit à l’autodétermination et à l’indépendance constitue la condition sine qua non de la jouissance des autres droits humains. L’État français a enclenché une répression coloniale à grande échelle vis à vis des militant.e.s indépendantistes mais aussi de toute la population Kanak, dont les détenus. Les déportations font partie de cette répression.
Aussi l’équipe d’avocats ici qui défendent ces détenus pour le suivi de leur peine sont confrontés à des non réponse constantes du tribunal de Nouméa et de l’administration de Camp Est pour obtenir les décisions judiciaires des dossiers de leurs clients, rendant très compliqué leur défense. Ce qui est inacceptable.
Les répercussions psychiques, sociales, et administratives de ces déportations sont dramatiques pour les détenus, ainsi que pour leurs proches. (Nous vous invitons à lire les détails du rapport en pj.).
QUESTIONS URGENTES
→ Des dossiers de transfert vers Nouméa refusés ou bloqués
Des détenus souhaitent rentrer dans leur pays, des dossiers de
transferts vers le Camp Est sont en cours pour certains et déjà refusés.
Les dossiers pour les quels le transfert a même été gagné juridiquement
via des recours déposé par les avocats, l’administration continue de
bloquer l’application de ces transferts sous différents prétextes, dont
celui de passeport non valide, ou que le détenu ne peut pas faire la
demande de renouvellement de passeport depuis la prison !
→ Les passeports
Alors qu’en un claquement de doigt, l’administration pénitentiaire en
Kanaky – Nouvelle Calédonie a réalisé des passeports d’urgence de
validité d’un an (sans même l’accord des détenus), pour pouvoir les
déporter expressément. Aujourd’hui il est difficile pour eux d’avoir un
passeport pour le retour !
Nous arrivons à un an de validité de ces passeports d’urgence et certains déjà expirés.
Nous demandons à ce que les problèmes administratifs soient facilités en
urgence pour tous ceux qui en ont besoin, et que l’État prenne cela en
charge.
→ La prise en charge du retour au Pays : les billets d’avion
Non seulement les n’ont pas choisi d’arriver ici, ont été déportés dans
des conditions inhumaines, pour beaucoup sans linge ni la possibilité de
contacter leur famille avant leur départ ni à leur arrivée, sans
visite, et aujourd’hui l’administration pénitentiaire refuse de libérer
ceux en fin de peine ou en libération sous contrainte dans leur pays.
L’argument des billets retours leur est systématiquement évoqué, soit en
détention, soit à leur sortie. Si le détenu ne peut pas payer son
billet retour il y a un refus de rapatriement.
Non seulement le transfert à Nouméa avant une fin de peine a déjà de
nombreuses fois par le passé déjà été pris en charge par
l’administration pénitentiaire. Ce n’est pas nouveau.
Mais dans tous les cas nous considérons que c’est à l’État de prendre en charge ces rapatriements.
Le coût d’un billet d’avion pour la Kanaky – Nouvelle Calédonie est très
cher, il est évident que les détenus n’ont pas les ressources pour les
payer.
Un détenu a même été libéré de détention au cours d’une hospitalisation
et livré à lui même ainsi à l’hôpital, alors qu’il n’est pas autonome,
n’a pas de couverture santé et devrait être rapatrié sanitairement.
Nous sommes face à des situations dramatiques.
→ Situations sociales catastrophiques en sortie sèche en France
En effet plusieurs détenus se retrouvent déjà libérés et livrés à eux
mêmes et bloqués ici sur le territoire français, faisant face à des
difficultés pour leurs besoins de première nécessité. Ils ont été mis à
la rue, sans logement, sans ressource, et ni même sans numéro de
sécurité sociale celui-ci étant différent que celui en Kanaky – Nouvelle
Calédonie. Notre collectif essaie de trouver des solutions par la
solidarité.
Cette situation est inacceptable nous devons réagir collectivement et
exiger ensemble que l’État accompagne ces détenus, ou dans leur retour
au pays ou dans l’insertion en sortie de prison ici selon la volonté du
détenu.
→ Problèmes de couverture santé
Le numéro de sécurité sociale en Kanaky – Nouvelle Calédonie est
différent que celui en France, et est géré sur place par la CAFAT, via
une convention avec la CPAM pour normalement des numéros provisoires
durant les séjours en France.
Les détenus déportés ont eu des numéros provisoires de sécurité sociale
de détention, à leur sortie ils n’ont aucune couverture santé, et leurs
démarches prennent des semaines.
Nous demandons à ce que leurs démarches soient prises en compte en
détention en anticipant une éventuelle sortie, ainsi que facilitées et
accélérées.
Une dizaine de détenus sortiront dans les semaines qui viennent ! Il est urgent de réagir !
Nous demandons à ce que tous les détenus qui souhaitent rentrer dans leur pays puisse le faire, donc que leurs dossiers de transfert soient facilités que ce soit au cours de leur peine, ou en fin de peine en fonction de ce qu’ils souhaitent, et que la prise en charge de leur billet soit totalement à la charge de l’État.
L’État a créée une situation exceptionnelle qu’une solution d’urgence exceptionnelle soit trouvée rapidement.
En raison de l’ensemble de ces éléments nous vous demandons de bien vouloir prendre en considération l’urgence de ce dossier, et d’appuyer nos demandes par tous les moyens possibles (question au gouvernement, rencontre ministérielle, appui aux administrations locales pour les démarches administratives, etc).
Nous restons disponibles pour toute rencontre avec vous ou le/la présidente de votre groupe politique à ce sujet.
Contact : collectifsolidaritekanaky@gmail.com
Nous vous invitons à lire le rapport en pièce jointe,
voici également le lien de la conférence de presse que nous avions fait
le 13 mai 2025 avec la présence d’une des avocate qui suit ces
prisonniers, et avec le témoignage de la mère de deux détenus déportés :
https://www.youtube.com/watch?v=2s5tLQLjx1Q
Merci pour votre solidarité,
Le Collectif Solidarité Kanaky
groupe de travail sur les prisonniers déportés du Camp Est.
Source : https://solidaritekanaky.fr/Interpellation-des-parlementaires-au-sujet-des-prisonniers-Kanak-deportes-de-la