mardi 8 novembre 2022

Sauver Maksym Butkevych : il y a urgence !


Il arrive qu’une cause soit en même temps d’une urgence vitale immédiate pour une personne et qu’elle représente toute une situation politique et toute une histoire, tout le combat de la vérité humaine contre le mensonge déconcertant. C’est le cas de Maksym Butkevych. 

Maksym Butkevych est aujourd’hui un prisonnier de l’armée russe, sans doute quelque part dans l’oblast de Louhansk occupé. Prisonnier de guerre, donc, mais en même temps menacé depuis sa capture, le 24 juin, d’être victime d’un procès stalinien en 2022, un procès stalinien si typique du poutinisme, de ce que les Ukrainiens appellent aujourd’hui le « rashisme ». Car sitôt prisonnier, ils l’ont exhibé sur une vidéo – il ne dit rien – en le présentant comme un « nazi », de l’espèce la plus redoutable. Fin août, nous l’avons revu dans une autre vidéo de propagande, parmi d’autres prisonniers auxquels on « permet » de téléphoner chez eux, sous la caméra russe. Il fait partie de ceux qui ne disent rien, ne font rien – ses cheveux ont blanchi en un mois et demi. Mais on pouvait supposer qu’au moins, cette vidéo indiquait qu’il était considéré comme un prisonnier de guerre, ce qu’il est, et non comme un « nazi » très dangereux. Depuis, cependant, il semble que les forces d’occupation pensent toujours à monter un "procès".


Maksym Butkevych a 45 ans. Tout jeune lycéen, il intervient dans les manifestations de la jeunesse à Kyiv en 1991, puis est l’un des animateurs du mouvement anarchiste étudiant « Action directe », et part faire des études d’anthropologie en Grande-Bretagne. De retour en Ukraine, à la fin des années 1990, il y devient un militant reconnu et très connu, nationalement, de la défense des droits humains, et particulièrement des migrants et des réfugiés, fondant le « No Border Project », le Centre des droits humains et de soutien à la société civile Zmina, et la radio Hromadske. Il se confronte à ce titre aux gouvernements ukrainiens successifs, et est attaqué dans la rue par l’extrême droite notamment en 2021 lors d’une action de défense d’un anarchiste bélarusse expulsé – il agit dans ces cas-là toujours pacifiquement, comme une force tranquille et bienveillante. Il a aussi une sorte de reconnaissance officielle, agréé par le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU, et joue un rôle important dans l’aide et l’accueil aux réfugiés de l’intérieur en Ukraine, à partir du commencement de la guerre en 2014. Son rôle de coordinateur dans la campagne pour sauver le syndicaliste Koltchenko et le cinéaste de Crimée Oleg Sentsov, victorieuse en 2019, des griffes de Poutine, l'a fait connaître à plusieurs d’entre nous en France.

Voilà l’homme qui, début mars 2022, est engagé dans l’armée ukrainienne, ne reniant rien de ses convictions pacifistes et antimilitaristes mais affirmant que sa place ne pouvait plus qu’être là. Il envoie des chroniques en anglais, d’une vraie valeur humaine et littéraire, notamment son récit de « Pâques à Boutcha », relatant sa participation à la libération de Boutcha la tristement célèbre. Vous remarquerez que nous avons écrit tantôt « anarchiste », tantôt « militant des droits humains », avec une dimension humaniste et religieuse qui apparait ici. Ne classons pas Maksym (et il ne se classerait sans doute pas lui-même s’il pouvait s’exprimer) : ce qu’il est, c’est une figure de l’émancipation humaine, et par conséquent ukrainienne, et réciproquement.

Voilà donc ce « nazi », comme on dit en langue rashiste. Voilà pourquoi, outre son urgence humaine immédiate, cette cause est importante.

Le Réseau de Solidarité avec l’Ukraine (RESU) qui regroupe les courants, syndicats et militants de gauche apportant leur soutien à la résistance armée et non armée du peuple ukrainien, a alerté et nous avons obtenu, en France, du côté des syndicats, les prises de position de la FSU, de Solidaires, du SNJ-CGT, et du côté des élus et représentants politiques, les prises de positions suivantes : les députées LFI Danièle Obono et Marianne Maximi, les sénatrices Raymonde Poncet (EELV), et Esther Benbassa (non inscrite), les eurodéputé•es Leila Chaïbi (LFI) et Mounir Satouri (Verts), le maire de Commentry Sylvain Bourdier et le conseil municipal unanime, ainsi que les ex-eurodéputé•es Marie-Christine Vergiat (GUE-NGL) et Françoise Duthu (Verts). Sur le lien suivant, figure la liste des organisations et groupes ayant pris position, à laquelle il faut ajouter les coopératives Longo Maï et Emancipation-Lyon 69 et l’Insurgé. En outre, Bernard Dréano pour le RESU a écrit à l’ambassadeur d’Ukraine en France et, à Lyon, une délégation de solidarité a été reçue au consulat de Russie.

Les députés de gauche de ce pays ont été alertés par nos soins. Nous ne pouvons que regretter le petit nombre de réactions (ceux qui n’ont pas pris position n’ayant rien dit), en outre très majoritairement féminines. Un tel silence ne fait que souligner l’urgence d’agir et de réagir, car nous voulons croire qu’il est encore possible de sauver Makysm Butkevych.

Car ce qui est en cause là, c’est aussi l’honneur des partisans de la démocratie et des défenseurs des droits humains, des militants ouvriers, des révolutionnaires, des internationalistes, si les mots ont un sens.

RÉSEAU FRANÇAIS EUROPÉEN DE SOLIDARITÉ AVEC L'UKRAINE (membre du RESU, Réseau Européen de Solidarité avec l'Ukraine).        

30 octobre 2022