vendredi 21 août 2020

Bélarus (Biélorussie) : derniers développements et prises de position (2nde partie sur 2)

Publié le 17 août par Argument pour la lutte sociale (titre : "Bélarus (2ème partie), derniers développements et prises de position")

 

 

Dimanche 16 août, manifestations de masse : 300.000 à Minsk, un à deux millions dans le pays (10 millions d’habitants). Loukashenka a réuni, dans une triste ambiance, ses partisans pour son propre meeting public : environ 8000 participants, flics, fonctionnaires contraints, clients.

 

 




Dans la soirée, des citoyens russes ont signalé des mouvements importants de camions militaires banalisés, sans immatriculations, vers la frontière dans les régions de Smolensk et de Pskov, puis Vitebsk coté Bélarus. On pense bien entendu aux interventions « hybrides » en Géorgie, Crimée, Donbass. Le point de vue exprimé par pas mal de bélarusses est que Poutine n’osera pas, en tout cas pas tout de suite, une intervention directe, mais que, d’ores et déjà, Omon (police d’État) et armée sont infiltrés par des « amis » du grand frère. Leur rôle premier : les encadrer pour éviter les défections, qui ont commencé. Il s’agit de préserver la police politique. Celle-ci est déjà dans un rapport de confrontation physique avec la population, similaire à des pays comme la Syrie ou l’Algérie : celles et ceux qui sont passés ces jours-ci dans leurs mains exhibent les marques des coups, viols et tortures subies.

L’UE, constatant que Loukashenka est vraiment mal en point, a annoncé des sanctions ciblées sur tel ou tel haut personnage de l’État. Macron, qui joue en même temps les va-t’en-guerre contre Erdogan en Libye et en Méditerranée, ce qui, indépendamment du caractère antidémocratique de la présidence Erdogan, fait le jeu de Poutine, a pondu un tweet : « L’Union européenne doit continuer de se mobiliser aux côtés des centaines de milliers de Biélorusses qui manifestent pacifiquement pour le respect de leurs droits, de leur liberté et de leur souveraineté ». Macron tente de faire croire que l’UE s’est mobilisée « aux côtés » du peuple bélarussien …

Jusqu’à ce que Loukashenka libère les 32 nervis de Wagner et les rende à Poutine (alors que l’Ukraine en demandait 28 pour comparution), et que Poutine lui apporte son plein soutien, la blogosphère et les cohortes d’énervés de réseaux sociaux obsédés par les « nazis ukrainiens » ou le soutien au tortionnaire Bachar el Assad, ne disaient rien. Instantanément, ils ont été activés à partir de la soirée du 14 août : « Tentative de coup d’État impérialiste à Minsk », titre le site Initiative communiste, « Guaido, président du Bélarus », titre le site nazi Égalité et réconciliation, « Biélorussie : le piège d’un autre Maïdan » titre le site brun-« rouge », c’est-à-dire brun, Le Grand soir, etc. Ainsi grogne l’axe contre-révolutionnaire et anti-ouvrier pan-FSB …

On notera que J.L. Mélenchon a, à son tour, mais après Macron, pondu un tweet : « En Biélorussie encore, le peuple dégagiste est la clef de l’histoire contre les pouvoirs abusifs et corrompus. La révolution citoyenne continue son coup de balais mondial. L’UE gesticule face à l’Est mais se tait sur le Sud. » Le Chef de la FI ne veut toujours pas reparler de révolution sociale, de révolution prolétarienne, mais il est obligé d’écrire que le peuple bélarusse (qu’il appelle toujours «biélorusse», passons) a raison, en taisant toutefois les principales « gesticulations » contre-révolutionnaires dont il est la cible : celles de Poutine.

Lundi 17 août, les manifestations de masse ont repris, la grève continue et s’approfondit, et Loukashenka a tenté de se rendre dans l’usine MZKT d’où il a dû s’enfuir en hélicoptère sous les cris de colère de la classe ouvrière.

Tant Poutine que les puissances européennes – et sans doute aussi Washington – sont en pleines tractations sur deux questions : faut-il exfiltrer Loukashenka et si oui, comment s’y prendre politiquement (techniquement, il y a des hélicoptères pour ça, Macron lui aussi le sait qui l’avait envisagé en décembre 2018) pour désamorcer le mouvement populaire ?

En attendant, c’est bien notre vieille amie, la Révolution, qui frappe en Europe. Ceci met les militants ouvriers devant des choix.

Premièrement, il n’est plus pardonnable de soutenir les dictatures au motif de prétendus acquis anti-impérialistes à préserver. Un ouvrier communiste pouvait encore être abusé en 56 (Hongrie) ou en 68 (Tchécoslovaquie). Les secteurs politiques qui combattent les ouvriers bélarusses aujourd’hui sont en roue libre vers la convergence avec la pire réaction brune. La Bélarus, comme le Xinjiang, est en train de tracer une ligne de sang, qui est une ligne de classe.

Deuxièmement, le combat pour le soutien syndical et ouvrier au peuple bélarusse s’impose. En Russie, la solidarité de la centrale indépendant KTR est une donnée très importante de toute la situation. En Ukraine, le mouvement prolétarien bélarusse peut donner un regain et un espoir au mouvement ouvrier local. Dans le Donbass occupé, la résistance ouvrière sera elle aussi boostée.

A l’échelle internationale, il y a bien entendu carence -ce n’est pas nouveau, mais des moments comme aujourd’hui donnent l’occasion et le devoir de mener le combat pour y remédier.

La confédération CGT apporte son soutien à la classe ouvrière bélarussienne contre le régime.

En France, jusqu’à hier, les prises de positions syndicales soutenant le combat des ouvriers bélarussiens, se limitaient à l’Union Syndicale Solidaires, aux syndicats de journalistes SNJ, CGT et CFDT, à la section départementale de la FSU de l’Allier. Ce lundi 17 août, fait très important,la confédération CGT a publié ce communiqué :

[ Document ]

Arrêt des violences et libération de tous les syndicalistes au Bélarus.

La CGT exige, à l’instar des organisations syndicales de Biélorussie, l’arrêt des violences et la libération immédiate de tous les syndicalistes encore détenus, notamment de nos camarades affiliés au BKDP.

Que ce soit au Bélarus, en France ou dans tout autre pays, la CGT s’oppose à la répression des manifestations, aux violences policières, aux arrestations arbitraires et à la criminalisation des activités syndicales.

Depuis une semaine, le Bélarus connaît des mobilisations de masses au sein desquelles les syndicats du pays prennent une part très active.

Le mouvement prend son origine dans le refus par la population des résultats des élections présidentielles du 9 août. Organisée à la va-vite en plein cœur de l’été, dans des conditions privant l’opposition d’un accès à une campagne juste et démocratique (plusieurs candidats ayant été empêchés de se présenter), cette mascarade électorale a révolté un peuple bélarusse épuisé par les 26 années de pouvoir autoritaire d’Alexandre Loukachenko.

En réaction à la colère qui se levait, cet autocrate, usé par le pouvoir et par son double jeu entre Union européenne et fédération de Russie, n’a rien trouvé de mieux que de faire usage de la violence contre son peuple.

Ce week-end, un nouveau cap dans la mobilisation a été franchi avec des manifestations gigantesques faisant suite aux débrayages de la semaine dernière, dans de très nombreux secteurs économiques ainsi que sur l’ensemble du territoire.

La grève s’étend désormais et la répression dont plusieurs dirigeants syndicaux sont victimes ne fait que renforcer la détermination des Biélorusses.

Montreuil, le 17 août 2020

[Fin document ]

Source : https://www.cgt.fr/comm-de-presse/arret-des-violences-et-liberation-immediate-de-tous-les-syndicalistes-au-belarus

Cette prise de position d’une organisation centrale dans la lutte des classes en France et qui, au niveau international, fut la principale centrale à avoir autrefois apporté son soutien aux régimes staliniens, revêt une importance particulière. Elle illustre la force d’exemple de l’action de la classe ouvrière bélarussienne. Elle survient alors que ni la CGT-FO d’un côté – qui pourtant, autrefois, s’était, elle, prononcée en défense des syndicats libres en Europe de l’Est et en URSS !- ni la CFDT, d’autre part, n’ont à ce jour et à cette heure pris position. Et elle exprime un soutien spécifique au Congrès bélarussien des syndicats démocratiques (BKDP), organisation certes petite, mais historiquement issue, comme la plus puissante RKT russe, des luttes ouvrières et démocratiques des années 1987-1994, élément essentiel de continuité ouvrière.

Il faut le dire : toute levée de bouclier contre cette prise de position de la CGT de la part des secteurs de la CGT qui croient voir dans la FSM (les restes de la Fédération Syndicale Mondiale de Moscou, aujourd’hui domiciliée à Athènes après avoir longtemps séjourné chez Bachar El Assad) une organisation de lutte de classe, serait contre-productive et constituerait, pour certains camarades « lutte de classe » et combatifs, une manière de se tirer une balle dans le pied.

On ne peut pas, en effet, combattre l’intégration du syndicalisme à l’État, au patronat et au « dialogue social », en soutenant des dictatures capitalistes anti-ouvrières et en se rangeant, soit par le silence, soit activement, du côté de la répression contre les ouvriers grévistes. On ne combat pas le « dialogue social » en France en défendant le « dialogue social » en Bélarus. Le régime bélarussien, comme le régime chinois, par exemple, reposent sur la négation de la lutte des classes et l’intégration du syndicalisme, sans droit de grève ni organisation indépendante des travailleurs. De plus, le mouvement social bélarussien comporte une forte affirmation de souveraineté et d’indépendance nationale qui devrait séduire tout militant sachant voir et entendre sans œillères, qui soutient par exemple Cuba contre l’ingérence impérialiste pour les mêmes raisons. Le socialisme comme le syndicalisme, ce sont les travailleurs : on est avec ou on est contre la classe ouvrière, on doit donc être avec les ouvriers bélarussiens, leurs syndicats indépendants, leurs AG de masse et leurs AG d’AG comme à Grodno.

Partout dans le monde depuis au moins deux ans, les peuples se dressent pour leurs droits, leur liberté et leur vie ! Alors prenons cette fois, de manière organisée, la population laborieuse du Belarus sous notre protection internationale à toutes et à tous, dans tous les pays avec nos syndicats, nos associations démocratiques, nos organisations de toutes sortes, nos partis ! Refaisons vivre l’internationalisme, dressons de nouveau le bouclier de classe :

Bas les pattes devant nos frères et sœurs du Belarus !

 

Source : https://aplutsoc.org/2020/08/17/belarus-2eme-partie-derniers-developpements-et-prises-de-position/