Par Gérard Noiriel (historien), le 2 novembre 2018
Dans une tribune publiée par le journal Le Monde
(20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des
« gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des
périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge: « Les leçons de
l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? »
Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en
perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le
comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie »
(utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour,
l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans
l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de
son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas pertinent.
Dans mon Histoire populaire de la France, j’ai montré que tous les
mouvements sociaux depuis le Moyen Age avaient fait l’objet d’une lutte
intense entre les dominants et les dominés à propos de la définition et
de la représentation du peuple en lutte. Le mot « jacquerie » a servi à
désigner les soulèvements de ces paysans que les élites surnommaient les
« jacques », terme méprisant que l’on retrouve dans l’expression
« faire le Jacques » (se comporter comme un paysan lourd et stupide).